Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/316

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penser : sa famille composée d’une femme vertueuse & de trois jeunes enfants, ajoutoit encore au plaisir que j’avois de vivre avec lui.

Lorsque mes forces me permirent quelque exercice, je parcourois les campagnes, où je voyois une nature nouvelle & des beautés qu’on ignore en Angleterre & en Pensilvanie ; j’allois visiter les habitations, j’étois charmé de leur opulence ; les hôtes m’en faisoient les honneurs avec empressement ; mais je remarquois je ne sçais quoi de dur & de féroce dans leur physionomie & dans leurs discours ; leur politesse n’avoit rien de la bonté ; je les voyois entourés d’esclaves qu’ils traitoient avec barbarie. Je m’informois de la manière dont ces esclaves étoient nourris, du travail qui leur étoit imposé, & je frémissois des excès de cruauté que l’avarice peut inspirer aux hommes.

Je revenois chez mon ami, l’ame abattue de tristesse, mais j’y reprenois bientôt la joie ; là sur les visages noirs, sur les visages blancs, je voyois le calme & la sérénité.

Wilmouth n’exigeoit de ses esclaves qu’un travail modéré ; ils travailloient pour leur compte deux jours de chaque semaine ; on abandonnoit