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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/323

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au carnage arrivoient de la plaine jusqu’à moi ; cette campagne opulente & désolée ; ces riches présents de la terre, & ces ravages de la vengeance ; ces beautés tranquilles de la nature & ces cris du désespoir ou de la fureur, me jettèrent dans des pensées mélancoliques & profondes ; un sentiment mêlé de reconnaissance pour le grand Etre & de pitié pour les hommes, me fit verser des larmes.

Je sortis de la maison avec mon ami ; nous envoyâmes les femmes & les vieillards dans le magasin retranché, & nous descendîmes auprès d’un bois de cèdres, qui nous déroboit la vue d’une partie de ces scènes d’horreurs.

Nous revîmes bientôt le jeune nègre que nous avions envoyé chez les ennemis ; il étoit à la tête de quatre nègres armés ; ses cris, ses gestes, ses sauts nous annoncèrent de loin, qu’ils nous apportoit de bonnes nouvelles. O mon maître, dit-il à Wilmouth, le chef des noirs est ton ami ; voilà ses plus chers serviteurs qu’il t’envoie, il viendra bientôt lui-même.

Nous apprîmes que John égorgeoit sans pitié les hommes, les femmes & les enfants, dans les habitations où les nègres avoient reçus de mau-