Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/327

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Nous l’assurâmes que nous étions disposés à lui rendre, sans intérêt, tous les services qui dépendroient de nous. Nous l’invitâmes à se reposer : nous lui offrîmes des rafraîchissements. J’envoyai dire à Francisque d’envoyer du magasin des présents & des vivres aux nègres qui accompagnoient Ziméo. Ce chef accepta nos offres de fort bonne grace ; seulement il ne voulut pas entrer dans la maison ; il s’étendit sur une natte à l’ombre des mangliers, qui formoient un cabinet de verdure auprès de notre habitation. Nos nègres se tenoient à quelque distance de nous, & regardoient Ziméo avec des sentiments de curiosité & d’admiration.

Mes amis, nous dit-il, le grand Orissa sçait que Ziméo n’est point né cruel ; mais les blancs m’ont séparé des idoles de mon cœur, du sage Matomba qui élevoit ma jeunesse, & de la jeune beauté que j’associois à ma vie. Mes amis, les outrages & les malheurs ne m’ont point abattu, j’ai toujours senti mon cœur. Vos hommes blancs n’ont qu’une demi-ame ; ils ne sçavent ni aimer, ni haïr ; ils n’ont de passion que pour l’or ; nous les avons toutes & toutes sont extrêmes. Des ames de la nature des nôtres, ne peuvent s’éteindre