Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/104

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CETTE nuit, sous la lune, j’avais des ailes.

Mes pieds ne supportaient plus le contact avec le sol.

Sous la lune j’ai dansé.

Sous la lune, je me suis balancée à une branche de sapin, d’où a fui une chauve-souris.

Sous la lune, j’ai, sans effort, sauté sur les sommets accessibles.

Je ne sentais pas ma chair, pas non plus ma pensée ; j’étais légère, légère, j’avais des ailes.

D’où me venait cette allégresse ?

Un grand bonheur m’était-il donné ?

Une pensée de génie avait-elle libéré ma chair ?

L’attente allait-elle finir ?

D’où me venait cette allégresse ?

Simplement, de ce que j’avais quitté mes longues robes féminines !

Rien n’était venu.

Mais, ô mes voiles de femme, si beaux, si souples et si lumineux, quelle magnifique prison vous êtes ! Quel écrin somptueux, mais quel accablement !