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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/59

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SOUS la lune, dans ce pays solitaire, j’ai vu un pêcheur menant sa barque sur la mer tranquille et pâle ; dans le soleil, je l’ai revu, sur la mer verte ou bleue, selon qu’elle cache des rochers ou du sable. J’ai hélé ce pêcheur solitaire et unique dans ce pays solitaire, où je traîne ma solitude, et je suis montée dans sa barque, pour pêcher — avait-il dit.

Mais tandis qu’il pêchait, penchée tout au bord du bateau, mes cheveux rejoignant la mer et y flottant comme des algues, durant des heures, j’ai regardé au fond de la mer. J’ai vu des sables et des rocs, des plantes multiformes et multicolores, légères et vives dans leur élément, et qui s’affaissent et perdent leur grâce dès qu’on les cueille, et meurent dès qu’on les assèche. J’ai vu des bêtes qui sont comme des plantes, et des plantes qui sont comme des bêtes. J’ai vu des poissons rouges, bleus, verts, violets et parfois de toutes ces teintes à la fois. J’ai vu des pâles os de seiches, des crabes guetteurs, et aussi