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Page:Saint-Pol-Roux, Les plus belles pages (extrait Prière à l’Océan), 1966.djvu/14

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Joli bientôt comme un sourire de fontaine
Et doux comme un mouton salé de l’Ile,
Inspire aux fleuves de t’épandre l’âme neuve
Et bénigne des lacs virginisés de cygnes.
Endossant le manteau de la Vierge Marie,
Tu paraîtras si pur sous la risée fleurie
Que Madame la Terre tr’offrira l’anneau
Qui sur le quai sert aux navires d’organeau.
Elle sera l’Épouse, tu seras l’Époux,
Et les vivants bijoux de la pêche du large
Empliront la corbeille d’un tel mariage.


*


Mais je ne te vois mie, Océan mon ami,
Te voici la fourmi, me voilà le géant
Comme agrandi soudain par ton soudain néant,
Toi la synthèse, toi la somme,
Serais-tu pas ce petit homme
À tête naine comme pomme
A genoux devant moi ?
Est-ce toi ce soupir ? est-ce donc toi ce pleur ?
Serait-ce la mer toute, cette frêle goutte ?
Ou bien l’amour dont je porte la fleur,
A-t-il mis dans toi-même son humilité
Jusqu’à me faire don de son immensité ?

Mendiant, je comprends l’espoir tendant la main
Pour quêter en retour ce qui peut rendre humain :
Un cœur, sans quoi n’importe quelle masse n’est rien.
Un cœur te manque, Océan pitoyable — prends le mien !
Petit comme un crapaud, mais grand comme Dieu même,
Il va t’apprendre à dire à la barque : je taime !