Page:Saint-Pol-Roux - La Dame à la faulx, 1899.djvu/22

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De ce scrupule naquit le vers moderne, tel que diversement le cultivent MM. Gustave Kahn, Henri de Régnier, Emile Verhaeren, Francis Vielé-Griffin et les vaillants poètes de ce temps.

A ces ondes auxquelles on disait : vous n’irez pas plus loin ! nous disons : allez où bon vous semble ! Elles n’ont plus à s’asservir à des lois antérieures, partant étrangères, elles créent leurs lois par le seul fait d’être. Cette divinité fluide, flexible, malléable, que les poètes des périodes académiques voulaient captive et se cassant les ailes aux barreaux, les poètes de la période symboliste lui laissent pleine ipséité.

Dans l'art de nos pères, le centre de vie explose, à travers jalons et compartiments, jusqu’à des limites d’avance fixées, de sorte que les ondes dégagées sont forcées de se recroqueviller contre des parois de convention et d’en subir les contours tyranniques ; dans l’art moderne, au contraire, le centre de vie dilate son rhythme sans entraves et les vertèbres libres jusqu’à des lignes d’exaltation pure qui sont celles de la propre forme de ce rhythme, si bien que, au lieu de parois barbares, ce sont les fluctuations et les limites mêmes de la déflagration qui parviennent à constituer le vase d’harmonie.

D’où il appert que le symbolisme revient au culte de la Beauté vêtue de sa seule splendeur, c’est-à-dire nue, — à la Toute Beauté : joie de la Vérité.


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