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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/105

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cependant il suffit de les énoncer pour en constater la justesse. Au système de l’indépendance mélodique, de la mélodie cherchée pour elle-même et sur laquelle les paroles s’adaptent ensuite comme elles peuvent, il préféra, comme Gluck, celui de là mélodie naissant de la déclamation, se moulant sur les mots et les mettant en relief sans rien perdre de sa propre importance, de façon que les deux forces se multiplient l’une par l’autre au lieu de se combattre ; cette réforme si précieuse ne fut pas acceptée sans lutte, et, pendant des années, il lui fut reproché de sacrifier la mélodie à la mélopée : ce mot disait tout, c’était le « tarte à la crème » de la musique ; sans autre explication, il vouait un homme aux dieux infernaux, le traînait aux gémonies. Comme, de plus, l’orchestre discret et coloré de Gounod lui valait le titre de symphoniste, autre mot qui dans le monde des théâtres était une sanglante injure, on voit d’ici a travers quelles épineuses broussailles l’auteur de Faust dut frayer son chemin.

Adolphe Adam, dans un article très fin sur Sapho, a montré clairement de quelle façon Gounod se rattachait aux maîtres anciens. « Nous regardons aujourd’hui, disait-il, comme une qualité ce que les maîtres regardaient autrefois comme un défaut. La musique pour eux existait dans les chœurs, les airs, dans tout ce qui préparait une situation. Mais dès que la situation arrivait, la musique cessait pour faire place au chant déclamé. Aujourd’hui nous