Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/43

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à l’avenant. Ils révoltèrent, au lieu de l’entraîner, la grande masse des musiciens et des critiques.

C’est au plus fort de ces polémiques, alors qu’il bataillait fièrement avec sa petite mais valeureuse armée, que Liszt s’éprit des œuvres de Richard Wagner et fit apparaître sur la scène de Weimar ce triomphant Lohengrin déjà publié et que nul théâtre n’osait risquer. Dans une brochure qui eut un immense retentissement, Tannhäuser et Lohengrin, il se fit le propagateur de la nouvelle doctrine ; il usa de toute son influence pour répandre les œuvres de Wagner et les installer dans les théâtres, jusque-là réfractaires ; au milieu de quelle opposition, au prix de quels efforts, on s’en ferait malaisément une idée. Il est permis de supposer que Liszt, se sentant impuissant, lui seul, à soulever le monde avait rêvé une alliance avec le grand réformateur où chacun aurait eu sa part, l’un régnant sur le théâtre, l’autre sur le concert ; car Wagner affichait la prétention d’écrire des œuvres complexes dont la musique n’était en quelque sorte, que la racine, formant avec la poésie et la représentation scénique un tout indivisible.

Mais Liszt, cœur généreux, toujours prêt, à se dévouer pour une belle cause, avait compté sans l’esprit envahissant de son colossal et dangereux protégé, incapable de partager l’empire du monde, fût-ce avec son meilleur ami. On sait maintenant, depuis la publication de la correspondance entre Liszt et Wagner, de quel côté fut l