Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/52

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Temps n’a pas encore mis à sa vraie place le musicien profondément original dans son apparente simplicité, le classique longtemps accusé de n’être qu’un reflet des anciens maîtres, alors qu’il ne ressemble nullement, au fond, à ses modèles : ses façons de procéder sont tellement autres, son point de départ si différent qu’on est tenté de le classer, en quelque sorte, hors de la tradition à laquelle il était, de cœur, si fortement attaché. En opposition avec l’école, légèrement colorée d’italianisme, dont Auber fut le chef, il ne saurait non plus être considéré comme faisant suite à l’école italo-allemande fondée par Haydn, ni comme héritier direct de Mozart, son génie de prédilection ; les similitudes, tout extérieures, qu’il présente avec ce dernier, n’atteignent pas l’essence du style. Au fond, il n’a pas eu d’autre modèle que lui-même. Mélange d’archaïsme et de nouveauté, ses procédés devaient naturellement dérouter la critique, et il n’y a pas lieu de s’étonner s’il fut, dès l’abord, très diversement jugé, les uns l’accusant de vivre d’emprunts faits au passé ; les autres, d’écrire une musique incompréhensible, que seule une poignée d’amis affectaient d’admirer. Ces temps sont loin de nous, mais la lutte dure encore, elle se continue sur un autre terrain ; et tandis que le bon public, ne raisonnant pas ses impressions, s’abandonne sans contrainte au charme de Faust et de Roméo, les « amateurs éclairés » se demandent encore ce qu’ils doivent en penser. Comment le sauraient-ils ? Habitués à chercher dans