Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/105

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gentilshommes, et le trouvent au lit, quelque bien qu’il se porte. Quand il sort (et ce ne peut être que pour aller chez le roi, à quelques dévotions, mais dans une tribune séparée, ou prendre l’air), cardinaux, ambassadeurs, grands d’Espagne, dames, en un mot tout ce qui le rencontre par les rues, arrête tout court précisément comme on fait ici pour le roi et pour les enfants de France ; mais assez souvent il a la politesse de tirer à demi ses rideaux, et alors cela veut dire que, quoiqu’en livrées et ses armes à son carrosse, il veut bien n’être pas connu. On n’arrête point et on passe son chemin. S’il va chez le roi, comme il arrive assez souvent, hors du jour ordinaire du conseil de Castille, ce n’est jamais que par audience. Le majordome de semaine le reçoit et le conduit au carrosse. Dès qu’il paroît on lui présente auprès de la porte du cabinet, où toute la cour attend, un des trois tabourets qui sont les trois seuls siégea de tout ce vaste appartement, par grandeur, qui d’ailleurs est superbement meublé. Le sien, qui est pareil aux deux autres, est toujours caché et ne se tiré que pour lui ; les deux autres sont toujours en évidence, l’un pour je majordome-major, l’autre pour le sommelier du corps ou grand chambellan. En leur absence, le gentilhomme de la chambre de jour s’assoit sur l’un, et quelque vieux grand d’Espagne sur l’autre, mais il faut que ce soit un homme incommodé et qui ait passé par les premiers emplois. Nul autre, ni grand d’Espagne ni vieux, n’oseroit le faire.

J’ai pourtant vu les trois sièges remplis et en apporter un quatrième au prince de Santo-Burno Caraccioli, et une autre fois au marquis de Bedmar, tous deux alors grands d’Espagne, tous deux conseillers d’État, et tous deux avant été dans les premiers emplois, et le dernier y étant encore. C’étoit pendant mon ambassade en Espagne, mais je ne l’ai vu faire que pour ces deux-là dont le premier ne se pouvoit soutenir sur ses jambes percluses de goutte, et l’autre fort goutteux aussi.

Le président du conseil de Castille ne peut être qu’un