Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/152

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quérir un lavement pour achever plus tôt sa capture, mais il déclara qu’il ne sortiroit point de la chambre qu’avec le prélat. Le lavement vint, il le prit, et quand il fut question de le rendre, il se mit sur un large pot dans son lit sans en sortir. Il avoit ses raisons pour un si bizarre manège. Les papiers qu’on lui vouloit prendre étoient avec lui dans son lit, parce que depuis qu’il les avoit il ne les quittoit point. En rendant son lavement, il les mit adroitement par-dessous sa couverture au fond du pot, et opéra par-dessus, de façon à n’en être plus en peine. S’en étant défait de cette façon, il dit qu’il se trouvoit fort soulagé, et se mit à rire comme un homme qui se sent revenir de la mort à la vie après de cruelles douleurs, mais en effet de son tour de souplesse, et de ce que cet officier si vigilant n’auroit que la puanteur de sa selle, avec laquelle les papiers furent jetés au privé. Le prélat, qui étoit travesti et qui n’avoit point là d’autres habits à prendre, fut conduit au Châtelet, et là écroué sous le faux nom qu’il avoit pris ; mais comme on ne trouva rien et qu’on n’en eut que la honte, il fut délivré deux jours après, avec beaucoup d’excuses et quelques réprimandes de son travestissement, qui, se disoit-on, l’avoit fait méconnoître. Madame se trouva plus délivrée que lui, et comme le roi en fut fort aise, le prélat ne fit que secouer les oreilles, et fut le premier à rire de son aventure[1].

Une autre fois, quelque diable fit une satire cruelle sur Madame, le comte de Guiche, etc., et la fit imprimer en Hollande. Le roi d’Angleterre, qui en eut promptement avis, en avertit Madame, qui s’en ouvrit aussitôt à M. de Valence. « Laissez-moi faire, lui dit-il, et ne vous mettez en peine de rien ;  » et s’en va. Madame après qui lui demande ce qu’il pense faire, il ne répond point et disparaît. De plusieurs jours on n’en entend point parler. Voilà Madame

  1. Voy. les Mémoires de Daniel de Cosaac, publiés par la Société de l’Histoire de France (2 vol. in-8, Paris, 1852).