Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/20

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quelques autres. Cela fait, Ubilla tint prêts les ordres et les expéditions nécessaires en conséquence pour les divers paye de l’obéissance d’Espagne avec un secret égal ; on prétend qu’alors ils firent pressentir le roi sans oser pourtant confier tout le secret à Castel dos Rios, et que ce fut la matière de cette audience si singulière qu’elle est sans exemple, dort il exclut Torcy, auquel, ni devant ni après, il ne dit pas un mot de la matière qu’il avoit à traiter seul avec le roi.

L’extrémité du roi d’Espagne se fit connoître plusieurs jours seulement après la signature du testament. Le cardinal, aidé des principaux du secret qui avoient les deux grandes charges, et du comte de Benavente qui avoit l’autre, par laquelle il étoit maître de l’appartement et de la chambre du roi, empêcha la reine d’en approcher les derniers jours sous divers prétextes. Benavente n’étoit pas du secret, mais il étoit ami des principaux du peu de ceux qui en étoient, et il étoit aisément gouverné, de sorte qu’il fit tort ce qu’ils voulurent.

Ils y comptoient si bien qu’ils l’avoient fait mettre dans le testament pour entrer comme grand d’Espagne dans la junte qu’il établit pour gouverner en attendant le successeur, et il savoit aussi que le testament étoit fait, sans toutefois être instruit de ce qu’il contenoit. Il étoit tantôt temps de parler au conseil. Des huit qui en étoient, quatre seulement étoient du secret, Portocarrero, Villafranca, San-Estevan et Ubilla. Les autres quatre étoient l’amirante, Veragua, Mancera et Arias. Des deux derniers ils n’en étoient point en peine, mais l’attachement de l’amirante à la reine, le peu de foi de Veragua, et la difficulté de leur faire garder un si important secret, avoient toujours retardé jusque tout aux derniers jours du roi d’Espagne d’en venir aux opinions dans le conseil, sur la succession.

À la fin, le roi prêt à manquer à tous les moments, toutes les précautions possibles prises, et n’y ayant guère à craindre, que ces deux conseillers d’État seuls, et sans appui ni confiance de personne, et la reine dans l’abandon, osassent