Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/201

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Villeroy avoit vu autrefois à la cour, qui s’étoit fait un honneur de bel air et de galanterie de se piquer d’être de ses amis, qui, malgré leur éloignement d’attachement et de lieux, s’en étoit toujours piqué, et qui étoit entretenu dans cette fantaisie par ses nièces qui, dans la faveur et les emplois où était Villeroy, le regardoient avec raison comme pouvant être fort utile à leur oncle.

De M. de Vendôme qui tint un si grand coin dans cette cabale, j’en parlerai en son temps, et cabale d’autant plus dangereuse, que jamais le maréchal ni Chamillart, presque aussi courts l’un que l’autre, ne s’en aperçurent. Ces liaisons étoient déjà faites avant la mort du roi d’Espagne ; cette époque ne fit que les resserrer et y faire entrer Vaudemont de l’éloignement où il étoit, qui, dans la place qu’il occupoit, sut bientôt seconder ses nièces, et sous leur direction y entrer directement par le commerce nécessaire de lettres et d’affaires avec le ministre de France, qui disposoit, avec toute la confiance et le goût du roi, de tout ce qui regardoit la guerre et les finances. Voilà pour la cour ; voici pour l’Italie : Vaudemont, fils bâtard de ce Charles IV, duc de Lorraine, si connu par ce tissu de perfidies qui le rendirent odieux à toutes les puissances, qui lui fit passer une vie si misérable et si errante, qui le dépouillèrent, et lui coûtèrent la prison en Espagne, étoit, avec plus de conduite, de prudence et de jugement, le très digne fils d’un tel père. J’ai assez parlé de lui plus haut pour l’avoir fait connoître ; il ne s’agit plus ici que de le suivre dans ce grand emploi de gouverneur et de capitaine général du Milanois, qu’il devoit à l’amitié intime du roi Guillaume, et par lui à la poursuite ardente que l’empereur en avoit faite en Espagne. Avec un tel engagement de toute sa vie acquis par les propos les plus indécents sur le roi, qui le firent chasser de Rome, comme je l’ai raconté, et fils et frère bâtard de deux souverains toute leur vie dépouillés par la France, il étoit difficile qu’il changeât d’inclination. Pour se conserver dans ce grand emploi et si lucratif,