Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/270

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qui ne sont pas pourtant prescrites et qui ne se font qu’en nommant notre roi, ou quelquefois disant Votre Majesté au roi d’Espagne, tous les grands les imitèrent en même temps que lui. Il finit en se découvrant, fit une révérence profonde, et se couvrit en se relevant. Tous les grands se découvrirent et se recouvrirent en même temps. Aussitôt après, le roi, toujours couvert, lui répondit en peu de mots[1].

Lorsqu’il finit de parler, le nouveau grand se découvre, ploie un genou tout à fait à terre, prend la main droite du roi, qui est exprès dégantée, avec la sienne, la baise, se relève et fait une profonde révérence au roi, qui alors se découvre tout à fait et se recouvre à l’instant, et le nouveau grand passe au coin du tapis de pied, salue tous les côtés des grands qui sont découverts et s’inclinent un peu à lui, et il va pour cette unique fois se placer à la muraille au-dessus d’eux tous, à côté et au-dessous du majordome-major, sans aucune façon ni compliment. Là il se couvre et eux tous, et après quelques moments, le roi se découvre, s’incline un peu aux trois côtés des grands, et se retire. Tous vont chez la reine, excepté le nouveau grand, sa famille, son parrain et ses amis particuliers, qui suivent le roi parmi les félicitations, et à la porte de son cabinet lui font leurs remerciements de nouveau, mais sans discours en forme, après quoi le nouveau grand, avec ce qui l’a accompagné, va aussi chez la reine. Le plan fera mieux entendre toute la cérémonie.

  1. Le personnage dont parle Saint-Simon dans ce passage est son fils cadet, Armand-Jean de Saint-Simon marquis de Rutfec, né le 12 aoùt 1699 et reçu grand d’Espagne le 1er février 1722, comme on le verra dans la suite de ces Mémoires. Ce fut pour faire obtenir la grandesse à ce fils que Saint-Simon demanda à être envoyé ambassadeur extraordinaire en Espagne. Il raconte lui-même, à l’année 1721 qu’il dit au duc d’Orléans, alors régent de France, qu’il le suppliait « de lui donner cette ambassade avec sa protection et sa recommandation auprès du roi d’Espagne pour faire grand d’Espagne le marquis de Ruffec. »