Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/356

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de ces raisons ; il ne fut pas seulement question de l’y admettre.

En faveur du voyage on alléguoit l’indécence de l’oisiveté d’un prince de l’âge et de là santé du roi d’Espagne, tandis que toute l’Europe s’armoit pour lui ôter ou lui conserver ses couronnes ; le peu de prétextes qu’on pouvoit prendre de la nécessité de veiller lui-même au gouvernement de ses États, et son peu d’expérience et de connoissances ; l’influence fâcheuse qu’en recevroit sa réputation et le respect de sa personne dans tous les temps ; le plein repos où on devoit être sur la fidélité de l’Espagne et des ministres qui gouverneroient en son absence, et sur lesquels tout portoit, même en sa présence, dans la jeunesse de son âge et la nouveauté de son arrivée ; l’importance de l’éloigner de bonne heure de l’air de fainéantise et de paresse des trois derniers rois d’Espagne, qui n’étoient jamais sortis de la banlieue de Madrid, et s’en étoient si mal trouvés ; l’approcher au contraire de l’activité de Charles-Quint, et le former de bonne heure par le spectacle des différents pays, des divers génies des nations à qui il avoit à commander, et par l’apprentissage de la guerre et de ses différentes parties, dont il auroit à entendre parler et à décider toute sa vie. Enfin l’exemple de tous les rois, dont aucun, excepté ces trois derniers d’Espagne, ne s’étoit dispensé d’aller à la guerre ; sur quoi celui du roi n’étoit pas oublié. On ajoutoit la nécessité de montrer à Milan, et surtout à Naples, avec ce qu’il venoit d’y arriver, un jeune roi dont ils n’avoient vu aucun depuis Charles-Quint, et un roi qui commençoit une lignée nouvelle, dont la présence lui attacheroit de plus en plus ces différents États par le soin qu’il prendroit à leur plaire et par quelques bienfaits répandus à propos qui sortiroient sur les lieux immédiatement de sa main.

À ces raisons on opposoit le danger d’abandonner l’Espagne presque aussitôt que le roi s’y étoit montré ; l’embarras et le danger de sa personne dans l’armée d’Italie ; enfin le