Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/373

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en vente, pour en donner la préférence à son fils, depuis assez peu capitaine de cavalerie.

Le duc de Villeroy arriva, le 6 février, envoyé par son père pour rendre compte au roi de bien des détails et de projets qui auroient emporté trop de temps par des dépêches. Bien lui prit de ce voyage, trois jours après il eut tout lieu de le sentir.

La promotion si nombreuse dont j’ai parlé, et qui me fit quitter vers Pâques, s’étoit faite et déclarée le 29 janvier. Le mercredi 8 février, on alla à Marly, où il y eut des bals. Nous fûmes du voyage, Mme de Saint-Simon et moi, comme souvent nous en étions. Le lendemain jeudi 9, Mahoni, officier irlandois de beaucoup d’esprit et de valeur, arriva d’Italie avec la plus surprenante nouvelle dont on eût ouï parler en ces derniers siècles. L’action s’étoit passée le 1er février.

Le prince Eugène, qui en savoit plus que le maréchal de Villeroy, l’avoit obligé d’hiverner au milieu du Milanois, et l’y tenoit fort resserré, tandis que luimême avoit établi ses quartiers fort au large avec lesquels il inquiétoit fort les nôtres[1]. Dans cette situation avantageuse il conçut le dessein de surprendre le centre de nos quartiers, et par ce coup de partie qui le mettoit au milieu de notre armée et de notre pays, de dissiper l’une, et de se rendre maître de l’autre, et par là se mettre en état ensuite de prendre Milan et le peu de places de ce pays, toutes en fort mauvais ordre, et d’achever ainsi sûrement et brusquement sa conquête.

Crémone étoit ce centre ; il y avoit un gouverneur espagnol et une fort grosse garnison : quelques autres troupes y étoient encore entrées à la fin de la campagne, avec Crenan, lieutenant général, pour y commander tout. Praslin, dont j’ai parlé quelquefois, y commandoit la cavalerie comme

  1. Voy. page 10 des Pièces la lettre du maréchal de Villeroy au cardinal d’Estrées (Notes de Saint-Simon.)