Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

roi d’Espagne avec Mgrs ses frères et M. de Noailles dans son carrosse pour aller coucher à Chartres. Le roi se promena ensuite en calèche avec Mme la duchesse de Bourgogne, Monsieur et Madame, puis retournèrent tous à Versailles. Desgranges, maître des cérémonies, et Noblet un des premiers commis de Torcy, pour servir de secrétaire, suivirent au voyage. Louville, de qui j’ai souvent parlé, Montriel et Valouse pour écuyers, Hersent, premier valet de garde-robe, et Laroche pour premier valet de chambre, suivirent pour demeurer en Espagne, avec quelques menus domestiques de chambre et de garde-robe, et quelques gens pour la bouche et de médecine.

M. de Beauvilliers, qui se crevoit de quinquina pour arrêter une fièvre opiniâtre accompagnée d’un fâcheux dévoiement, mena Mme sa femme à qui Mmes de Cheverny et de Rasilly tinrent compagnie. Le roi voulut absolument qu’il se mît, en chemin et qu’il tâchât de faire le voyage. Il l’entretint longtemps le lundi matin avant que personne fût entré ni lui sorti du lit, d’où M. de Beauvilliers monta tout de suite en carrosse pour aller coucher à Étampes et joindre le roi d’Espagne le lendemain à Orléans. Laissons-les aller, et admirons la Providence qui se joue des pensées des hommes et dispose des États. Qu’auroient dit Ferdinand et Isabelle, Charles-Quint et Philippe II qui ont voulu envahir la France à tant de différentes reprises, qui ont été si accusés d’aspirer à la monarchie universelle, et Philippe IV même, avec toutes ses précautions au mariage du roi et à la paix des Pyrénées, de voir un fils de France devenir roi d’Espagne par le testament du dernier de leur sang en Espagne et par le vœu universel de tous les Espagnols, sans dessein, sans intrigue, sans une amorce tirée de notre part, et à l’insu du roi, à son extrême surprise et de tous ses ministres, et qui n’eut que l’embarras de se déterminer et la peine d’accepter ? Que de grandes et sages réflexions à faire, mais qui ne seroient pas en place dans ces Mémoires ! Reprenons