Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/78

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pour l’été quelques jours par-ci par là : c’est de quoi exercer les astronomes.

M. de Noyon mourut en ce temps-ci à Paris à soixante-quatorze ans. Il avoit l’ordre, et s’étoit, à l’exemple de M. de Reims, laissé faire conseiller d’État d’Église. J’ai tant parlé de ce prélat que je me contenterai de dire qu’il mourut fort pieusement, après avoir très soigneusement gouverné son diocèse. On trouva dans ses papiers des brouillons de sa main pour servir à son oraison funèbre, tant la folie de la vanité avoit séduit ce prélat ; d’ailleurs docte, fort honnête homme, très homme de bien, bon évêque et de beaucoup d’esprit. Il ne laissa pas d’être regretté, et beaucoup, dans son diocèse. Sa vanité eût été étrangement mortifiée s’il eût prévu ses successeurs.

Le chancelier qui avoit extrêmement aimé sa sœur, femme de Bignon, conseiller d’État, et qui en avoit comme adopté les enfants, étoit fort embarrassé de l’abbé Bignon. C’étoit ce qui véritablement, et en bonne part, se pouvoit appeler un bel esprit, très savant, et qui avoit prêché avec beaucoup d’applaudissements ; mais sa vie avoit si peu répondu à sa doctrine qu’il n’osoit plus se montrer en chaire, et que le roi se repentoit des bénéfices qu’il lui avoit donnés. Que faire donc d’un prêtre à qui ses mœurs ont ôté toute espérance de l’épiscopat ? Cette place de conseiller d’État d’Église parut à son oncle toute propre à l’en consoler et à le réhabiliter dans le monde, en lui donnant un état. L’embarras étoit que ces places étoient destinées aux évêques les plus distingués, et qu’il étoit bien baroque de faire succéder l’abbé Bignon à M. de Tonnerre, évêque-comte de Noyon, pour le mettre en troisième avec M. de Reims et M. de Meaux ; c’est pourtant ce que le chancelier obtint, et ce fut tout l’effort de son crédit. Il fit par là un tort à l’épiscopat et une plaie au conseil, où pas un évêque n’a voulu entrer depuis, par l’indécence d’y seoir après un homme du second ordre, ce qui ne peut s’éviter que par des évêques pairs qui