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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/99

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de Portugal, vint en Espagne où elle épousa Emmanuel-Ponce de Léon, duc d’Arcos, grand d’Espagne. Elle plaida contre le prince Pierre, régent et depuis roi de Portugal, et contre le duc d’Abrantès pour les biens qui lui furent adjugés en 1679, à condition qu’elle irait demeurer en Portugal.

Elle n’en tint pas grand compte et demeura veuve en 1693. C’étoit une personne très vertueuse, mais très haute, et fort rare pour son esprit et son érudition. Elle savoit parfaitement l’histoire sacrée et profane, le latin, le grec, l’hébreu et presque toutes les langues vivantes. Sa maison à Madrid étoit le rendez-vous journalier de tout ce qu’il y avoit de plus considérable en esprit, en savoir et, en naissance, et c’étoit un tribunal qui usurpoit une grande autorité, et avec lequel la cour, les ministres et les ministres étrangers même qui s’y rendoient assidus, se ménageoient soigneusement. M. d’Harcourt eut grande attention à être bien avec elle, et le roi d’Espagne la distingua fort en arrivant. Elle étoit mère des ducs d’Arcos et de Baños, tous deux grands d’Espagne, dont j’aurai cette année même occasion de parler, et du voyage qu’ils firent en France. Ainsi la branche aînée d’Alencastro des ducs d’Aveiro s’éteignit dans les Ponce de Léon, ducs d’Arcos.

Alphonse, puîné d’Alvarez, duc d’Aveiro fils du bâtard Georges, eut de grands emplois et fut fait duc d’Abrantès et grand d’Espagne par Philippe IV. Il se fit prêtre après la mort de sa femme, et il mourut en 1654. C’est le père du duc d’Abrantès qu’on a vu ci-devant, qui apprit si cruellement et si plaisamment à l’ambassadeur, de l’empereur la disposition du testament de Charles II qu’on venoit d’ouvrir. C’est lui aussi qui perdit contre la duchesse d’Arcos, dont je viens de parler, ses prétentions sur les duchés d’Aveiro et de Torres-Nuevas.

Il vécut jusqu’en 1720, fort considéré et ménagé par les ministres. Il avoit infiniment d’esprit, des saillies plaisantes, d’adresse et surtout de hardiesse et de hauteur, et se sut maintenir jusqu’à la fin dans la privance