Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

corps sous sa charge, avoit continué à maltraiter le comte d’Auvergne dans ses fonctions, et à le traiter médiocrement bien d’ailleurs. C’étoit une manière de bœuf ou de sanglier fort glorieux et fort court d’esprit ; toujours occupé et toujours embarrassé de son rang, et pourtant fort à la cour et dans le monde. D’ailleurs honnête homme, fort brave homme, et officier jusqu’à un certain point ; il étoit fort ancien lieutenant général, il avoit bien et longtemps servi. Lui et M. de Soubise, quoique se voulant donner pour princes, avoient été mortifiés de n’être point maréchaux de France, et tous deux ne servoient plus.

Le comte d’Auvergne, par les tristes aventures de ses deux fils laïques, n’en avoit plus que deux, l’un et l’autre dans l’Église ; des trois fils de M. de Bouillon, les deux aînés étoient fort mal avec le roi : restoit le comte d’Évreux, dont la figure et le jargon plaisoient aux dames. Avec un esprit médiocre, il savoit tout faire valoir, et n’étoit pas moins occupé de sa maison que tous ses parents. Il en tiroit fort peu, il n’avoit qu’un nouveau et méchant petit régiment d’infanterie, il étoit assidu à la guerre et à la cour. Il savoit se faire aimer. On étoit touché de le voir si mal à son aise, si reculé, si éloigné d’une meilleure fortune. Il s’attacha au comte de Toulouse : cela plut au roi, de qui il tira quelquefois quelque argent pour lui aider à faire ses campagnes. Le comte de Toulouse prit de l’amitié pour lui, il en profita. Le roi fut bien aise d’acquérir à ce fils un ami considérable, et de lui en procurer d’autres par un coup de crédit, et cela valut au comte d’Évreux la charge de son oncle, qui par sa persévérance à la garder la conserva ainsi dans sa maison. Il la vendit six cent mille livres comme à un étranger : il étoit mal dans ses affaires. La somme parut monstrueuse pour un cadet qui n’avoit rien, et pour un effet de vingt mille livres de rente. Le cardinal de Bouillon lui donna cent mille francs ; M. le comte de Toulouse, qui lui avoit fait donner l’agrément, s’intéressa pour lui faire trouver de l’argent,