Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/110

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la religion et la confiance forcée en son beau-frère, pour le piquer d’honneur, lui purent suggérer ; mais Lavardin eut le sort des rois, dont les volontés sont après leur mort autant méprisées que redoutées de leur vivant.

Il mourut en août 1710. Les Noailles empêchèrent que le roi disposât de la charge, quoique fort demandée, et laissèrent croître le petit garçon qui n’avoit que seize ans à la mort de son père, et aucun parent proche en état de s’opposer à leurs volontés. Ils en prirent soin comme en étant eux-mêmes les plus proches ; ils le gagnèrent, ils effacèrent ou affaiblirent dans son esprit la défense et l’imprécation que son père lui avoit prononcée à la mort ; ils lui montrèrent un régiment, la charge de son père, les cieux ouverts à la cour en épousant une de leurs files. Le jeune homme ne connoissoit qu’eux, il se laissa aller, le mariage se conclut et s’exécuta moyennant la charge : on fut surpris avec raison de la mollesse du cardinal de Noailles. Ceux qui comme moi savoient avec qu’elle résistance il avoit soutenu toutes les, attaques qui lui avoient été portées lors de l’affaire de M. de Cambrai, et que lui seul avoit empêché le roi de chasser le duc de Beauvilliers et de donner ses places du conseil au duc de Noailles, son frère, ne purent comprendre sa complaisance pour sa famille en une occasion qui demandoit toute sa fermeté ; mais les saints ne font pas toujours des actions vertueuses, ils sont hommes, et ils le montrent quelquefois. Le cardinal de Noailles put dire sur cette occasion et sur quelque autre qui se retrouvera en son temps, mais qui furent épurées par de longues souffrances, ce que Paul III Farnèse dit avec plus de raison et dans la plus juste amertume de son cœur en mourant : Si mei non fuissent dominati, tunc immaculatus essem et emundarer a delicto maximo. Ce mariage ne dura pas un an. Le jeune Beaumanoir fut tué à la fin de la campagne, à la bataille de Spire ; finit son nom et sa maison, laissa ses deux sœurs héritières, et sa charge en proie aux Noailles, qui en marièrent