Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/115

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la comtesse d’Estrées, dont elle avoit fourni la plus grande partie de la dot, mourut fort vieille, s’étant toujours conservé son tribunal chez elle et tout son air d’autorité à force d’esprit. Elle n’avoit point d’enfants, et toute bourgeoise qu’elle étoit, elle n’estima pas ses parents dignes d’hériter d’elle. Elle avoit donné en mariage à la duchesse de Guiche et à la comtesse d’Estrées. Les Noailles, qui sentoient la succession bonne, lui avoient toujours fait soigneusement leur cour ; ce ne fut pas en vain : elle donna presque tout ce qu’elle avoit à la duchesse de Noailles, et fit une amitié de quarante mille livres au cardinal d’Estrées, son bon ami, pour qu’en revenant d’Espagne, il trouvât à acheter quelque petite maison pour aller prendre l’air autour de Paris.

Un personnage du même sexe, plus rare et plus célèbre, obtint en ce tempsci sa liberté. Les amis de Mme Guyon, toujours attentivement fidèles, en furent redevables à la charité toujours compatissante du cardinal de Noailles qui la fit sortir de la Bastille où elle étoit depuis plusieurs années sans voir personne, et lui obtint la permission de se retirer en Touraine. Ce ne fut pas la dernière époque de l’illustre béate, mais la liberté lui fut toujours depuis conservée. Le cardinal de Noailles n’en recueillit rien moins que la reconnoissance de tout ce petit troupeau.

Le cardinal de Bouillon n’étoit pas en repos dans son exil. Les moines de Cluni en avoient voulu profiter. Il leur avoit arraché la coadjutorerie pour son neveu plutôt qu’il ne l’avoit obtenue. Ils n’avoient osé résister au nom du roi et à la présence du cardinal allant à Rome dans la faveur où il étoit pour lors ; mais ils s’étoient ménagé des moyens à la pouvoir contester un jour. Il y avoit eu du bruit et des oppositions étouffées par autorité ; les moines étoient fort affligés de se voir toujours hors de mains régulières ; ils étoient encore plus outrés de se voir passer des cardinaux à un abbé, qui n’avoit pas le même privilège que le sacré collège se donne, de pouvoir tout posséder et régir. Ils ne virent