Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/12

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armée, pour donner de la jalousie aux Impériaux et entreprendre même ce que l’occasion lui pourroit offrir. L’électeur de Bavière venoit de se déclarer : il offroit d’amener vingt-cinq mille hommes sur les bords du Rhin ; on vouloit le favoriser et le joindre ; ce fut l’objet de cette division de l’armée de Catinat vers le haut Rhin. Cependant Landau, à bout de tout, et ouvert de toutes parts, capitula le 10 septembre, ayant tenu plus d’un mois au delà de toute espérance. Les conditions furent telles que Mélac les proposa, et les plus honorables et avantageuses en considération de son admirable défense. Le roi des Romains lui fit l’honneur de le faire manger à sa table, et voulut qu’il vît son armée et qu’elle lui rendît tous ceux des feld-maréchaux. Peu de jours après, il retourna à Vienne avec la reine sa femme.

De part et d’autre le siège fut meurtrier, et le comte de Soissons y mourut en peu de jours d’une blessure qu’il y reçut. Il étoit frère aîné du prince Eugène et neveu paternel et cadet de ce fameux muet le prince de Carignan ; le prince Louis de Bade et le comte de Soissons étoient enfants du frère et de la sœur. Le comte de Soissons père étoit fils du prince Thomas, qui a fait tant de bruit et de mouvements en France et en Savoie, fils et frère de ses ducs, et mari de la dernière princesse du sang de la branche de Soissons, sœur du comte de Soissons tué à la bataille de la Marfée, dite de Sedan, qu’il venoit de gagner. Le comte de Soissons Savoie, neveu de ce prince du sang, attiré en France par les biens de sa mère et les établissements que son père y avoit eus, y avoit épousé une Mancini, nièce du cardinal Mazarin, pour laquelle, au mariage du roi, il inventa la charge de surintendante de la maison de la reine ; et en même temps de la reine mère qui, non plus que toutes les autres reines, n’en avoit jamais eu, pour son autre nièce Martinozzi, femme du prince de Conti. La brillante faveur, les disgrâces, les étranges aventures de la comtesse de Soissons qui la firent fuir à Bruxelles ne sont pas de mon sujet. Elle