Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/199

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marqué pour se rendre en Bavière, où seulement et non plus tôt il devoit ouvrir l’autre paquet. En le tâtant il reconnut qu’il y avoit un sceau, et comprit que c’étoit le bâton de maréchal de France. La merveille fut que cela ne le tenta point. Il se sentit blessé de ne l’obtenir que par besoin de lui après la promotion des autres, et fut effrayé du poids dont on vouloit le charger. Il renvoya donc le courrier avec des excuses et le paquet, qu’il ne devoit ouvrir qu’en Bavière, tel qu’on le lui avoit envoyé. Le roi persista et lui redépêcha aussitôt les mêmes ordres avec le même paquet, pour ne l’ouvrir qu’en Bavière. Il fallut obéir. Il partit et rencontra Villars en Suisse, chargé de l’argent de ses contributions personnelles et de l’exécration publique.

L’électeur dit à qui le voulut entendre qu’il emportoit deux millions comptant de son pays, sans ce qu’il avoit tiré du pays ennemi, à quoi avoit tendu tout son projet militaire qui lui avoit énormément rendu. Les troupes et les officiers généraux ne l’en dédirent point. Il offrit de l’argent avant partir à qui en voudroit emprunter, pour s’en décharger d’autant ; mais la haine prévalut, qui que ce soit n’en voulut prendre pour la malice de lui laisser ses coffres pleins, qu’il amena à bon port en France. L’escorte qui l’avoit amené ramena Marsin chargé de cent mille pistoles pour l’électeur ; il passa avec lui beaucoup d’argent pour la paye et les besoins de nos officiers et de nos troupes, et beaucoup d’autres choses nécessaires pour lesquelles on profita de l’occasion. En joignant l’électeur, il lui rendit le repos, et la joie à toute l’armée. Il ouvrit son paquet et y trouva ses ordres, ses instructions et son bâton, comme il s’en étoit douté. Le roi le déclara maréchal de France, quand il le crut arrivé. Il fut parfaitement d’accord en tout avec l’électeur, et au gré des troupes et des officiers généraux, et très éloigné de brigandages. Peu après son arrivée, ils firent le siège d’Augsbourg qu’ils prirent en peu de jours, et mirent après les troupes dans les quartiers, qui avoient grand besoin