Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/232

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à lui parler dans son cabinet, et si, comme je le craignois, il s’arrêtoit et se redressoit pour m’écouter tout de suite, lui dire que je voyois bien qu’il ne me vouloit pas faire la grâce pour l’heure de m’entendre, que j’espérois que ce seroit une autre fois, et me retirer tout de suite. Ce n’étoit pas peu à mon âge, et doublement mal avec le roi, de l’aller attaquer de conversation. Je n’avois pas coutume de rien faire sans l’avis du duc de Beauvilliers. Mme de Saint-Simon n’en fut pas que je le prisse, sûre, ce me dit-elle, qu’il me conseilleroit d’écrire et point de parler, ce qui n’auroit ni la même grâce ni la même force, outre qu’une lettre ne répond point, et que cet avis contraire à celui des deux autres ministres me jetteroit dans l’embarras. Je la crus et allai attendre que le roi passât de son dîner dans son cabinet, où je lui demandai permission de le suivre. Sans me répondre, il me fit signe d’entrer, et s’en alla dans l’embrasure de la fenêtre.

Comme j’allois parler, je vis passer Fagon et d’autres gens intérieurs. Je ne dis mot que lorsque je fus seul avec le roi. Alors je lui dis qu’il m’étoit revenu qu’il étoit mécontent de moi sur la quête ; que j’avois un si grand désir de lui plaire, que je ne pouvois différer de le supplier de me permettre de lui rendre compte de ma conduite là-dessus. À cet exorde il prit un air sévère, et ne répondit pas un mot. « Il est vrai, sire, continuai-je, que depuis que les princesses ont refusé de quêter, je l’ai évité pour Mme de Saint-Simon ; j’ai désiré que les duchesses l’évitassent aussi, et qu’il y en a que j’ai empêchées parce que je n’ai point cru que Votre Majesté le désirât. — Mais, interrompit le roi d’un ton de maître fâché, refuser la duchesse de Bourgogne, c’est lui manquer de respect, c’est me refuser moi-même !  » Je répondis que, de la manière que les quêteuses se nommoient, nous ne pensions point que Mme la duchesse de Bourgogne y fût de part, que c’étoit la duchesse du Lude, souvent la première dame du palais qui s’y trouvoit, qui