Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/257

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les repenties que celles qui n’avoient pas fait de quoi se repentir. Mme de Ventadour, dont l’âge avoit dépassé de beaucoup celui de la galanterie, s’étoit faite dévote depuis quelque temps, et quoiqu’elle alliât ses anciens plus qu’amis, un gros jeu et continuel, et bien d’autres choses avec sa dévotion, la coiffe, la paroisse, la chapelle, l’assiduité aux offices et des jargons de dévotion à propos, l’avoient lavée de toute tache, et les maux que ces taches lui avoient causés ne parurent pas même un obstacle à la place de gouvernante. Le roi dit donc un matin, à la fin de mars, à la maréchale de La Mothe, qui par cette place lui faisoit sa cour à ces heures-là dans son cabinet, qu’il s’étoit trouvé si bien d’elle auprès de ses enfants et auprès de ceux de Monseigneur, qu’il la destinoit à ceux de Mgr le duc de Bourgogne, mais qu’en même temps, pour ménager sa santé, il lui adjoignoit la duchesse de Ventadour, sa fille, pour survivancière et pour la soulager dans les soins pénibles de cette charge. La maréchale se trouva fort étourdie ; elle aimoit sa fille, mais non pas jusqu’à se l’associer. On avoit eu beau la tourner de toutes les façons, jamais elle n’y avoit voulu entendre. Elle disoit qu’il étoit ridicule de mettre auprès des enfants de France une femme qui n’avoit jamais eu d’enfants, et balbutioit pis entre ses dents, de telle sorte qu’allant toujours à la parade elle leur fit prendre le parti de l’emporter à son insu. Aussi parut-elle fort mécontente ; la bonne femme craignoit de n’être plus maîtresse et de passer pour radoter, et ne se contraignit pas sur son dépit aux compliments du monde, et beaucoup moins sur sa fille, qu’elle reçut fort mal. Elle étoit à Paris, d’où elle arriva sur cette nouvelle et entra par derrière dans ce cabinet de Mme de Maintenon, où, tandis que le roi travailloit dans la pièce joignante, elle présente, Mme la duchesse de Bourgogne jouoit avec des dames familières et les deux fils de France, entrant quand elle vouloit, mais seule, où étoit le roi. Mme de Ventadour y arriva donc, si transportée, si éperdue