Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/276

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put jamais faire passer de l’acné au cadet, qu’on appeloit Louvigny et qui est le duc de Grammont dont je parle. Avec de l’esprit, le plus beau visage qu’on pût voir et le plus mâle, la considération de son père le mit dans tous les plaisirs de la jeunesse du roi et lui en acquit la familiarité pour toujours. Il épousa la fille du maréchal de Castelnau, avec qui il avoit poussé la galanterie un peu loin. Son frère qui mourut depuis, et qui la laissa fort riche, n’entendit pas raillerie, et fit faire le mariage haut à la main. L’épouseur n’avoit point acquis bon bruit sur le courage, il ne l’avoit pas meilleur au jeu ni sur les choses d’intérêt, où dans son gouvernement de Bayonne, Béarn, etc., on avoit soin de tenir sa bourse de près. Ses mœurs n’étoient pas meilleures, et sa bassesse passoit tous ses défauts. Après les grands plaisirs du premier âge et le jeu du second, où le duc de Grammont suivit toujours les parties du roi, le sérieux qui succéda ne laissant plus d’accès particuliers et journaliers au duc de Grammont, il imagina de s’en conserver quelque chose par la flatterie et par le foible du roi pour les louanges, et se proposa à lui pour écrire son histoire. En effet, un écrivain si marqué plut au roi, et lui procura des particuliers pour le consulter sur des faits, et lui montrer quelques essois de son ouvrage. Il en fit part dans la suite, comme en grande confidence, à des gens dont il espéroit que l’approbation en reviendroit au roi, et de cette manière il se soutint auprès de lui. Sa plume toutefois n’étoit pas taillée pour une si vaste matière, et qu’il n’entreprenoit que pour faire sa cour ; aussi fut-elle peu suivie.

Lié aux Noailles par le mariage de son fils, et beau-père du maréchal de Boufflers, il se mit en tête plus que jamais d’être de quelque chose. Il brigua les ambassades, même jusqu’à celle de Hollande. C’est à quoi il étoit aussi peu propre qu’à composer des histoires ; mais à force de persévérance, il attrapa celle-ci dans une conjoncture où peu