Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/279

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temps elle sauroit peut-être se tirer. Harcourt, par l’Italie, perdoit jusqu’à l’espérance de tous les secrets détails par lesquels il se maintenoit, et Mme de Maintenon toute celle de part directe au gouvernement de l’Espagne. Ils sentirent l’un et l’autre le poids de cette perte ; après les premiers temps de l’éclat ils reprirent leurs esprits. Le roi étoit obéi, il jouissoit de sa vengeance. L’ordre à l’abbé d’Estrées et l’abbaye de Saint- Germain à son oncle la combloit. C’étoit un surcroît d’accablement pour une dictatrice de cette qualité aussi roidement tombée et chassée avec si peu de ménagement. La pitié put avoir lieu après une exécution si éclatante ; et la réflexion qu’il ne falloit pas pousser la reine d’Espagne à bout sur des choses qui n’influoient plus sur les affaires, et qui ne compromettoient point l’autorité.

Ce fut le biais que prit Mme de Maintenon pour arrêter la princesse des Ursins en France. Cela paroit l’Italie, cela suffisoit pour lors ; mais il falloit ménager le roi si ferme sur l’Italie, il n’étoit pas temps de lui laisser naître aucun soupçon. C’est ce qui détermina à fixer à Toulouse le séjour qui fut accordé enfin comme une grâce à Mme des Ursins, et même avec beaucoup de peine.

C’étoit le chemin à peu près pour gagner de Bayonne, par où elle entroit en France, le Dauphiné ou la Provence, pour de là passer les Alpes, ou par mer en Italie. C’étoit une grande ville où elle auroit toutes ses commodités et la facilité nécessaire pour ses commerces en Espagne d’où elle ne l’éloignoit point, et à Versailles par le grand abord d’une capitale de Languedoc, siège d’un parlement, et un grand passage où on cache mieux ses mouvements que dans de petites villes et dans des lieux écartés. Un châtiment mis en évidence sur ce théâtre de province, qui eût été un grand surcroît de dépit et de peine dans toute autre conjoncture, parut une grâce à l’exilée et une certitude de retour. Elle comprit par ce premier pas qu’il n’y avoit qu’à attendre, et cependant bien ménager sans se décourager ; et dès lors elle