Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/42

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grand monde, pensoit néanmoins sérieusement.

Élevé dans le sein des protestants où il étoit né, et lié de la plus proche parenté et amitié avec leurs principaux personnages, il passa la moitié de sa vie sans se défier qu’ils pussent être trompés et pratiquant exactement leur religion. Mais à force de la pratiquer les réflexions vinrent, puis les doutes.

Les préjugés de l’éducation et de l’habitude le retenoient : il étoit encore maîtrisé par l’autorité de sa mère qui en étoit une de l’Église protestante et par celle de M. de Turenne plus forte qu’aucune. Il étoit intimement lié d’amitié avec la duchesse de Rohan, l’âme du parti et le reste de ses derniers chefs, et avec ses célèbres filles, et son extrême tendresse pour la comtesse de Roye sa sœur, qui étoit infiniment attachée à sa religion, le contraignit extrêmement. Mais, parmi ces combats, il voulut être éclairci. Il trouva un grand secours dans un homme médiocre qui lui étoit attaché d’amitié, et qui, en étant fort estimé, s’étoit fait catholique. Mais M. de Lorges voulut voir par lui-même, quand il fut parvenu au point de se défier tout à fait de ce qu’il avoit cru jusqu’alors.

Il prit donc le parti de feuilleter lui-même et de proposer ses doutes au célèbre Bossuet, depuis évêque de Meaux, et à M. Claude, ministre de Charenton et le plus compté parmi eux. Il ne les consultoit que séparément, à l’insu l’un de l’autre, et leur portoit comme de soi-même leurs réciproques réponses, pour démêler mieux la vérité. Il passa de la sorte toute une année à Paris, tellement occupé à cette étude qu’il avoit comme disparu du monde, et que ses plus intimes, jusqu’à M. de Turenne, en étoient inquiets, et lui faisoient des reproches de ce qu’ils ne pouvoient parvenir à le voir. Sa bonne foi et la sincérité de sa recherche mérita un rayon de lumière. M. de Meaux lui prouva l’antiquité de la prière pour les morts, et lui montra dans Saint- Augustin que ce docteur de l’Église avoit prié pour sainte Monique sa mère. M. Claude ne le satisfit point là-dessus, et ne s’en tira