Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/63

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louage, qui monta sur son siège et la mena chez elle. Une autre fois, Mme de Saint-Simon, revenant dans sa chaise de la messe aux Récollets, à Versailles, rencontra la princesse d’Harcourt à pied dans la rue, seule, en grand habit, tenant sa queue dans ses bras. Mme de Saint- Simon arrêta, et lui offrit secours : c’est que tous ses gens l’avoient abandonnée, et lui avoient fait le second tome du pont Neuf, et pendant leur désertion dans la rue, ceux qui étoient restés chez elle s’en étoient allés ; elle les battoit, et étoit forte et violente, et changeoit de domestique tous les jours.

Elle prit, entre autres, une femme de chambre forte et robuste, à qui, dès les premières journées, elle distribua force tapes et soufflets. La femme de chambre ne dit mot, et comme il ne lui étoit rien dû, n’étant entrée que depuis cinq ou six jours, elle donna le mot aux autres, de qui elle avoit su l’air de la maison, et un matin qu’elle étoit seule dans la chambre de la princesse d’Harcourt, et qu’elle avoit envoyé son paquet dehors, elle ferme la porte en dedans sans qu’elle s’en aperçût ; répond à se faire battre, comme elle l’avoit déjà été, et au premier soufflet, saute sur la princesse d’Harcourt, lui donne cent soufflets et autant de coups de poing et de pied, la terrasse, la meurtrit depuis les pieds jusqu’à la tête, et quand elle l’a bien battue à son aise et à son plaisir, la laisse à terre toute déchirée, et tout échevelée, hurlant à pleine tête, ouvre la porte, la ferme dehors à double tour, gagne le degré, et sort de la maison.

C’étoit tous les jours des combats et des aventures nouvelles. Ses voisines à Marly disoient qu’elles ne pouvoient dormir au tapage de toutes les nuits, et je me souviens qu’après une de ces scènes tout le monde alloit voir la chambre de la duchesse de Villeroy et celle de Mme d’Espinoy, qui avoient mis leur lit tout au milieu, et qui contoient leurs veilles à tout le monde. Telle étoit cette favorite de Mme de Maintenon, si insolente et si insupportable à tout le monde, et qui avec cela, pour ce qui la regardoit, avoit