Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grand dessein, et le roi de Pologne ne s’y croyant plus en sûreté, se hâta de gagner la Saxe avec peu de suite.

La victoire fut sanglante, et acheva d’irriter le roi de Suède par la mort du duc d’Holstein-Gottorp, son beau-frère, tué à ses côtés, qu’il aimoit uniquement, et dont, dans le transport de sa douleur, il jura de tirer la plus grande vengeance.

Le roi ne recevoit pas de meilleures nouvelles du Rhin que de Flandre. Brisach, Fribourg, le fort de Kehl, Philippsbourg, rendus par la paix de Ryswick, resserroient extrêmement notre armée, et le palatin, beau-frère de l’empereur, intimement lié à lui et mal avec le roi, qui avoit protégé hautement contre lui les droits de Madame, avoit farci son pays deçà le Rhin de troupes, et favorisé les retranchements du Spirebach qu’on a vus si glorieux au maréchal de Choiseul, et qui présentement nous arrêtoient tout court, et ôtaient à notre armée la communication de Landau et la subsistance des vastes et fertiles plaines qui de là s’étendent jusqu’à Mayence. Le marquis d’Huxelles et Mélac, gouverneur de Landau, en avoient écrit tout l’hiver voyant ces préparatifs. Landau ne valoit rien ; on l’avoit augmenté, par l’avis de M. le maréchal de Lorges d’un ouvrage sur une hauteur qui commandoit, mais avec cela la place étoit encore mauvaise. Huxelles vint luimême remontrer le danger de laisser accommoder le Spirebach aux ennemis, et de ne pas mieux garnir Landau, dont la garnison n’étoit presque que de régiments nouveaux. On étoit encore dans ce désir effréné de paix qui en donnoit espérance contre toute raison, et, pour le Rhin comme pour la Flandre, dans cette léthargie qui devint sitôt après funeste. On répondit au marquis d’Huxelles qu’on n’étoit en peine de rien de ce côté-là, et qu’on était bien assuré que le siège de Landau étoit une chimère à laquelle il ne seroit seulement pas songé. On s’y trompa comme sur la Flandre.

Catinat n’eut pas plutôt assemblé sa médiocre armée sous