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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/144

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roi ; et tandis que, à ce titre de gendre et de belle-fille, son fils et sa fille étoient, entre le souper du roi et son coucher, dans son cabinet avec lui, les autres légitimités et la famille royale, il dormoit le plus souvent sur un tabouret au coin de la porte, où je l’ai maintes fois vu ainsi attendant avec tous les courtisans que le roi vint se déshabiller.

La duchesse du Maine le tenoit en respect ; il courtisoit M. du Maine qui lui rendoit peu de devoirs, et qui le méprisoit. Mme la Duchesse le mettoit au désespoir, entre le courtisan et le père, sur lequel le courtisan l’emportoit presque toujours.

Sa fille mariée avoit doucement secoué le joug. Celles qui ne l’étoient pas le portoient dans toute sa pesanteur ; elles regrettoient la condition des esclaves. Mlle de Condé en mourut, de l’esprit, de la vertu et du mérite de laquelle on disoit merveilles.

Mlle d’Enghien, laide jusqu’au dégoût, et qui n’avoit rien du mérite de Mlle de Condé, lorgna longtemps, faute de mieux, le mariage de M. de Vendôme, aux risques de sa santé et de bien d’autres considérations. M. et Mme du Maine, de pitié, et aussi par intérêt de bâtardise, se mirent en tête de le faire réussir. M. le Prince le regardoit avec indignation. Il sentoit la honte du double mariage de ses enfants avec ceux du roi, mais il en avoit tiré les avantages. Celui-ci ne l’approchoit point du roi, et ne pouvoit lui rien produire d’agréable. Il n’osoit aussi le dédaigner, à titre de bâtardise, beaucoup moins résister au roi, si poussé par M. du Maine, il se le mettoit en gré, tellement qu’il prit le parti de la fuite, et de faire le malade près de quinze mois avant qu’il le devint de la maladie dont il mourut, et ne remit jamais depuis les pieds à la cour, faisant toujours semblant d’y vouloir aller, pour s’y faire attendre, et cependant gagner du temps, et n’être pas pressé.

M. le prince de Conti, qui lui rendoit bien plus de devoirs que M. le Duc, et dont l’esprit étoit si aimable, réussissoit