Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/210

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avec tant d’esprit, de volonté et de pénétration, qu’il posséda plusieurs langues, quelques sciences, et parfaitement l’histoire. Il devint bon politique jusqu’à être fort consulté sur les affaires d’État, et faire à Turin plus de personnage par sa capacité que par sa naissance. Il y tenoit sa petite cour, et faisoit la sienne avec dignité toute sa longue vie, qui put passer pour un prodige.

Il épousa en 1684 une Este-Modène, fille du marquis de Scandiano qui envoya un gentilhomme au roi pour lui donner part de cette mort, et lui présenter une lettre de son fils, à laquelle le roi répondit, et prit le noir pour quinze jours.

Ce fils prit le nom de prince de Carignan, épousa par amour et pour plaire au duc de Savoie, depuis premier roi de Sardaigne, la bâtarde qu’il avoit de la comtesse de Verue, lesquels brouillés à Turin et venus ici sous un rare incognito, comme en lieu de conquête assurée pour tout étranger, on les a vus courtiser bassement les gens en place de les servir pendant la jeunesse du roi, prendre partout, faire toutes sortes d’indignes affaires ; la femme la complaisante de celle du garde des sceaux Chauvelin, et le mari se faire le fermier de l’Opéra et le surintendant de ce spectacle, et avec des millions de rapines ; le mari dans l’obscurité et dans la basse débauche, la femme, dans l’intrigue de toute espèce, et l’écorce de la plus haute dévotion, caressant tout le monde, ménageant tout, se fourrant partout, se moquer de leurs créanciers, et vivre en bohémiens ; le mari mort dans cette crapule à Paris, en 1740, la femme se raccrocher aux Rohan par le mariage de sa fille avec M. de Soubise ; et son fils devenu prince de Carignan, ôté d’avec eux longtemps avant la mort du père par le roi de Sardaigne et élevé à Turin, et marié par lui à la sœur de sa seconde femme Hesse-Rhinfels, et de la seconde femme de M. le Duc, les deux sœurs mortes et M. le Duc aussi.

En même temps mourut le duc de La Trémoille, dont j’ai