Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/236

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de l’apaiser par son beau-père, se chargea avec joie de l’affaire. Il en parla à Chamillart, ne doutant pas d’emporter d’emblée une chose si raisonnable en soi, dans un temps encore où les avancements avoient si peu de règle, et où celui-ci devoit sembler si précieux à Chamillart pour réparer le passé s’il étoit possible ; mais quelques raisons qu’il pût lui alléguer, quelque crédit qu’il eût auprès de lui, jamais il ne put rien gagner. Il se figura gauchement un mérite auprès du roi de laisser ce major dans la poussière des emplois subalternes il s’irrita des plus essentielles raisons de l’en tirer ; en deux mots, sa sœur lui devint un obstacle invincible auprès du ministre.

La Feuillade, outré, espéra de sa persévérance, et amusa encore une fois. Mlle Choin qui, surprise dès le premier délai et instruite par l’autre aventure, lâcha encore en celle-ci Mlle de Lislebonne à Chamillart, ou pour réussir par ce surcroît auprès de lui, ou pour en avoir le cœur net. Mlle de Lislebonne en parla à La Feuillade, et tous deux ensemble à Chamillart pour essayer de le réduire ; mais ce fut en vain jusque-là qu’il s’irrita de nouveau, et qu’il s’échappa un peu sur le crédit que Mlle Choin se figuroit qu’elle pouvoit prétendre. Le régiment fut incontinent donné à un autre, et Mlle Choin instruite de point en point de ce qui s’étoit passé par Mlle de Lislebonne. Ce dernier procédé mit le comble dans le cœur de Mlle Choin, et la rendit la plus ardente ennemie de Chamillart et la plus acharnée.

Je sus ces deux anecdotes dans les premiers moments, trop tard pour y pouvoir rien faire ; je n’aurois pas même espéré de réussir où La Feuillade et Mlle de Lislebonne avoient échoué, mais j’en augurai mal. D’Antin étoit trop initié dans les mystères de Meudon pour ignorer ces diverses lourdises, le dépit de Mlle Choin, tous les mauvais offices qu’elle rendoit à Chamillart auprès de Monseigneur, d’ailleurs irrité contre lui de plus ancienne date, que du Mont n’adoucissoit pas. D’Antin n’ignoroit pas,