Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/247

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me conta ces propos si durs que Monseigneur lui avoit tenus dans son bâtiment neuf, et que, comme je l’en pressai pour la seconde fois vainement de parler au roi il l’eût fait, il ne paroît pas douteux qu’il ne se fût raffermi.

Dans ces derniers jours, Mme de Maintenon, se comptant sûre enfin de la perte de Chamillart, et de n’avoir plus besoin de Monseigneur ni de d’Antin pour jeter par terre un homme qu’elle tenoit pour sûrement abattu, ne crut plus avoir de mesures à garder, et se donna tout entière à profiter de tous les instants pour élever sa créature. Le détail de ce fait si pressé et si court, et qui n’eut point de témoins entre le roi et elle, m’a échappé ; elle ne l’a raconté depuis à personne, ou, si elle l’a fait, l’anecdote n’en est pas venue jusqu’à moi. Tout ce qu’on en a pu conjecturer, c’est qu’elle n’y réussit pas sans peine, par deux faits qui suivirent incontinent et qui seront remarqués en leur temps. Je n’ai pu découvrir non plus si le roi en vouloit un autre, ou s’il n’étoit point fixé. Monseigneur l’avoit osé presser pour d’Antin, profitant de la nouvelle liberté, qu’à l’appui de Mme de Maintenon il avoit usurpée sans danger, de parler au roi de la situation des affaires et de la nécessité d’en ôter Chamillart et de se voir écouté. D’Antin étoit reçu aussi à parler au roi de ses troupes, de ses frontières, à lui en montrer des états qu’il s’étoit fait envoyer, aller même jusqu’à se faire écouter sur des projets d’opérations de campagne, appuyé de Monseigneur, ayant M. du Maine favorable et Mme de Maintenon, et à ce qu’il se figuroit de leurs discours obligeants, il espéroit tout dans ces derniers jours de la crise, et fut bientôt après outré de douleur, et Monseigneur fort fâché de s’y trouver trompé. Le samedi coula à l’ordinaire et sans rien de marqué.