Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/280

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fourrer de quelque chose sans y pouvoir réussir. Les ministres avoient moins d’éloignement pour lui que les deux autres partis, mais cela n’alloit pas jusqu’à l’admettre. Il mouroit de jalousie contre ceux qui lui étoient préférés dans le commandement des armées, il pâmoit d’envie du brillant du maréchal de Boufflers, souple toutefois avec eux, mais hors de toute portée.

Villars ne doutoit, ni de soi, ni du roi, ni de Mme de Maintenon. Le bonheur infatigable pour lui et l’expérience lui en répondoient ; il étoit content, incapable de suite et de vues hors les purement personnelles ; il n’étoit de rien, il ne se soucioit pas d’en être, et aucun des partis ne le désiroit.

Berwick ménageoit et étoit ménagé des deux premiers. Les affaires d’Angleterre l’avoient lié avec Torcy ; la piété et la dernière campagne de Flandre, avec les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers ; il étoit fort bien d’ancienneté avec d’Antin, et c’étoit le seul de la cabale de Meudon avec qui il fût de la sorte ; le maréchal de Villeroy étoit son ami et son protecteur, et il étoit ami d’Harcourt qu’il avoit toujours cultivé.

Tessé, ami de Pontchartrain, étoit suspect aux seigneurs et aux ministres. Les personnages qu’il avoit faits ne lui avoient acquis l’estime ni la confiance de personne. Sa conduite à l’égard de Catinat l’avoit perdu dans l’esprit de tous les honnêtes gens et empêcha même les autres de se lier avec lui ; et sa bassesse à l’égard de Vaudemont, de Vendôme, de La Feuillade, avoit achevé de l’anéantir. Son ambassade à Rome ne le releva pas, ni ses lettres ridicules au pape, qu’il n’eut pas honte de publier partout. Il étoit donc souffert dans la cabale de Meudon, mais rien au delà, et rejeté des deux autres. Noailles, riche en calebasses de toutes les sortes, nageoit partout, tâtant tout, reçu honnêtement partout à cause de sa tante et de son langage ; mais admis à rien encore en jeune homme qu’on ne connoissoit pas assez,