Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/285

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et qu’ils ne songeoient qu’à leurrer leurs peuples qui soutenoient le poids de la guerre, et à leur cacher leur dessein qui ne tendoit qu’à une destruction générale de la France, qu’ils ne leur osaient pas montrer, et qui, une fois découvert par la continuation opiniâtre de la guerre, après leur avoir ôté manifestement toute espérance sur l’Espagne par les armes, produiroit nécessairement la paix malgré le triumvirat qui les gouvernoit tous par ses artifices, et qui seul vouloit éterniser la guerre, comme on le verra dans les Pièces des négociations de Torcy à la Haye, et depuis du maréchal d’Huxelles à Gertruydemberg. Mais on étoit si loin de raisonner ainsi, qu’on trouvoit que les alliés n’avoient pas tort, et qu’il n’y avoit d’issue qu’en les satisfaisant sur un point essentiel pour eux, ce qui ne se pouvoit opérer sans une honte déclarée, que par les moyens obliques de laisser périr l’Espagne d’elle-même. Il fut donc agité de congédier le duc d’Albe, de faire revenir d’Espagne toutes les troupes françaises, de cesser d’y faire ou même d’y laisser passer aucune Sorte de secours, et d’en rappeler Amelot et Mme des Ursins même. On ne vouloit pas douter que les alliés, peu crédules à nos paroles, ne le devinssent à nos actions ; que le roi d’Espagne sans ressource ne fût bientôt réduit à revenir en France, ou à. se contenter du très peu que ses ennemis lui voudroient bien laisser par grâce, pour ne pas dire par aumône, et que la paix ne suivît incontinent. Ce fut dans celte pensée qu’Amelot fut rappelé, que Mme des Ursins eut ordre de se disposer aussi à quitter l’Espagne, et Besons, celui de passer de Catalogne en Espagne pour en ramener toutes nos troupes. Le roi et la reine d’Espagne, dans la dernière alarme d’un parti si violent, se mirent aux hauts cris et à demander au moins qu’on laissât tout en l’état jusqu’à ce qu’Amelot eût achevé de mettre ordre à des affaires importantes prêtes à terminer [1].

  1. Voy. aux notes, placées à la fin du volume, les extraits des dépêches d’Amelot.