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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/324

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dans laquelle je parle, compétente de connoître d’un crime de lèse-majesté totalement étrangère, ni de la dignité de la couronne de livrer un prince que sa naissance en rend capable, et si proche, à aucun tribunal d’Espagne, qui seul pourroit être compétent de connoître d’un crime de lèse-majesté qui regardé uniquement le roi et la couronne d’Espagne. Cela dit, je crois que la compagnie se trouveroit surprise et embarrassée, et, s’il y avoit débat, je ne serois pas en peine de soutenir mon avis. » Le chancelier fut étonné au dernier point, et après quelques moments de silence en me regardant : « Vous êtes un compère ; me dit-il en frappant du pied et souriant en homme soulagé, je n’avois pas pensé à celui-là, et en effet cela a du solide. » Il raisonna encore très peu de moments avec moi, et me renvoya, ce qu’il n’avoit jamais accoutumé à ces heures-là, parce que sa journée étoit faite et n’étoit plus alors que pour ses amis familiers. Comme je sortois, le premier écuyer y entra.

Je trouvai l’impression que j’avois faite au chancelier si grande, que je l’allai sur-le-champ conter à M. le duc d’Orléans, qui m’embrassa de bon cœur. Je n’ai jamais su ce que le chancelier en fit, mais le lendemain il travailla encore seul avec le foi à l’issue du conseil. Ce fut la dernière fois, et moins de vingt-quatre heures après, les bruits changèrent tout d’un coup : il se dit tout bas, puis tout haut, qu’il n’y auroit point de procès, et aussitôt [ces bruits] tombèrent.

Le roi se laissa entendre en des demi particuliers pour être répandu qu’il avoit vu clair en cette affaire, qu’il étoit surpris qu’on en eût fait tant de bruit, et qu’il trouvoit fort étrange qu’on en tint de si mauvais propos [1].

Cela fit taire en public, non en particulier, où on s’en entretint

  1. On peut comparer ce que dit à ce sujet le marquis d’Argenson (Mémoires, édit. 1825, p. 190 et 191), et les détails qu’il donne sur les services que son père, alors lieutenant de police, rendit au duc d’Orléans.