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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/37

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bataille de Lerida contre les Espagnols, et leva le siège de Tarragone. Il fut calomnié, et les intrigues de la cour s’en mêlèrent. C’étoit un homme qui n’avoit d’appui que ses actions et son mérite ; il fut arrêté et demeura quatre ans à Pierre-Encise. Son innocence fut prouvée au parlement de Grenoble ; . il épousa ensuite la maréchale de La Mothe, qui étoit fort belle et qui a toujours été fort vertueuse. En 1651, il fut une seconde fois vice-roi de Catalogne. Il y força les lignes de Barcelone, et défendit cette place cinq mois durant. Il mourut à son retour â Paris en 1657, à cinquante-deux ans, et laissa trois filles qui ont été duchesses d’Aumont, de Ventadour et de La Ferté, et la maréchale de La Mothe, pauvre, à trente-quatre ans.

Elle vécut la plupart du temps à la campagne. Elle y étoit lorsque Mme de Montausier, ne pouvant suffire à ses deux charges de gouvernante de Monseigneur et de dame d’honneur de la reine, obtint enfin d’être soulagée de la première. M. Le Tellier, et M. de Louvois son fils, étoient lors en grand crédit, et fort attentifs à procurer, tant qu’ils pouvoient, les principales places à des personnes sur qui ils pussent compter, au moins à en écarter celles qu’ils craignoient. M. de Louvois avoit épousé l’héritière de Souvré, que le maréchal de Villeroy son tuteur lui sacrifia, ou plutôt à sa faveur. La maréchale de La Mothe étoit cousine germaine du père de Mme de Louvois ; elle étoit belle et d’un âge convenable, d’une conduite qui l’étoit aussi. Ils furent avertis à temps que Mme de Montausier obtenoit enfin de quitter Monseigneur. Ils bombardèrent la maréchale de La Mothe en sa place, que personne ne connoissoit à la cour, avant que qui que ce soit sût qu’elle étoit enfin vacante. C’étoit la meilleure femme du monde, qui avoit le plus de soin des enfants de France, qui les élevoit avec le plus de dignité et de politesse, qui elle-même en avoit le plus, avec une taille majestueuse et un visage imposant, et qui avec tout cela n’eut jamais le sens commun et ne sut de sa vie ce qu’elle