Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/385

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Ce fut sans doute ce qui leur persuada l’attaque, dans la pensée d’obtenir la victoire s’ils emportoient le champ de bataille ; et, s’ils étoient repoussés, de n’y pouvoir perdre que des hommes et rien de plus, desquels ils ont bien plus que nous, et des recrues tant qu’ils veulent.

L’idée du maréchal de Villars est demeurée fort difficile à comprendre. Pourquoi de si loin marcher aux ennemis pour s’en laisser attaquer exprès, ayant pu aisément les attaquer lui-même deux jours durant avant d’être attaqué, au moins un grand jour et demi pour parler avec la précision la plus exacte ? Si on oppose qu’il ignoroit que ce qu’il prit pour toute leur armée n’étoit qu’un gros corps avancé, on peut répondre qu’il falloit être mieux informé en chose si capitale, et qu’on l’est quand on veut s’y adonner et bien payer. D’ailleurs, s’avançant sur ce qu’il voyoit, quand l’armée y eût été tout entière, il n’auroit fait que ce pour quoi il avoit marché à elle, gagnoit la hauteur sur elle, et mettoit derrière lui ce bois funeste de vis-à-vis son centre qui acheva la perte de la bataille, et ce bois encore de son centre avec ses deux trouées, qui, en partageant en deux son champ de bataille, coupa son armée, donna lieu de la battre en détail, et rendit inutile la constante victoire de sa droite. Il paroît donc constant qu’il ne pouvoit jamais gagner la bataille dans un terrain si désavantageux.

Si on examine la disposition qu’il en fit, elle ne se trouvera pas plus savante que le choix de ce bizarre terrain. Une forme de croissant qui, comme on l’a dit, présente deux pointes difficiles à défendre, aisées à envelopper ; un centre tout aussitôt dégarni qu’on ne peut sauver, faute énorme, et dont le souvenir d’Hochstedt eût au moins dû préserver ; un grand corps de cavalerie posté sous le feu des batteries ennemies, sans aucun fruit à en pouvoir attendre ; enfin nulle nécessité de combattre après avoir laissé tranquillement prendre Tournai ; et pour Mons, en tenant d’abord les ennemis de plus près, on eût aisément choisi un lieu