Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/393

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sa maison. On peut juger dans quel redoublement de furie un propos si ferme et soutenu de rie point changer de nom mit M. le Duc, à qui le maréchal ne fit rien dire. Il vint à Paris et à la cour après la campagne, et il alla en effet librement partout. Il ne rencontra M. le Duc nulle part, qui avoit eu loisir de faire ses réflexions, ou peut-être plus grand que lui les lui avoit fait faire. Le maréchal demeura fort peu à la cour et à Paris, et fut renvoyé en Flandre. Pendant l’hiver M. le Duc mourut, et aucun prince de la maison de Condé n’embrassa cette querelle qui finit avec lui, et dont avec ce cour si immense en rancune, il n’avoit pu éviter qu’on ne prit la liberté de se moquer.

Le siège de Mons se continuoit, et la misère extrême de l’armée du roi, qui manquoit de tout, la réduisoit à le laisser faire avec tranquillité. Boufflers ne pouvoit songer qu’à la subsistance de plus en plus difficile, et sentoit avec une indignation secrète un homme tel que Villars égalé à lui pour avoir perdu une importante bataille lorsqu’il n’avoit tenu qu’à lui de battre les ennemis en détail et de les mettre hors de portée de songer à Mons, ni à aucun autre siège, et que lui avoit sauvé l’État en sauvant l’armée des fautes de Villars.

Celui-ci, moins attentif à sa blessure, qui alloit bien, qu’au comble d’honneur où une faveur inespérable venoit de le porter des bords du précipice, et de voir au secours de sa blessure Maréchal, premier chirurgien du roi, et qui ne découchoit jamais des lieux où étoit le roi, dépêché vers lui avec ordre d’y demeurer jusqu’à ce qu’il pût être ramené en France, et à profiter d’un état si radieux, tomba par ses émissaires sur le maréchal de Boufflers qui, content d’avoir sauvé la France, se reposoit sur sa propre générosité, la vérité, la notoriété publique, et content de l’avoir fait aux dépens de tout, glissoit avec son accoutumée grandeur d’âme sur des bagatelles que Villars entreprit de censurer et de réformer, toujours avec l’air d’un blessé qui ne songe qu’à guérir.