Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/419

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La querelle s’échauffoit et bâtoit mal pour les jésuites ; le P. Tellier y prenoit une double part. C’étoit, comme je l’ai dit, un homme ardent et dont la divinité étoit son molinisme et l’autorité de sa compagnie. Il se vit beau jeu : un roi très ignorant en ces matières, et qui n’avoit jamais écouté là-dessus que les jésuites et les leurs, suprêmement ; plein de son autorité, et qui s’étoit laissé persuader que les jansénistes en étoient ennemis, qui vouloit se sauver, et qui, ne sachant point la religion, s’étoit flatté toute sa vie de faire pénitence sur le dos d’autrui, et se repaissoit de la faire sur celui des huguenots et des jansénistes qu’il croyoit peu différents, et presque également hérétiques ; un roi environné de gens aussi ignorants que lui et dans les mêmes préjugés, comme Mme de Maintenon et MM. de Beauvilliers et de Chevreuse par Saint-Sulpice et feu M. de Chartres, ou par des courtisans et des valets principaux qui n’en savoient pas davantage, ou qui ne pensoient qu’à leur fortune ; un clergé détruit de longue main, en dernier lieu par M. de Chartres, qui avoit farci l’épiscopat d’ignorants, de gens inconnus et de bas lieu qui tenoient le pape une divinité, et qui avoient horreur des maximes de l’Église de France, parce que toute antiquité leur étoit inconnue, et qu’étant gens de rien, ils ne savoient ce que c’étoit que l’État ; un parlement débellé et tremblant, de longue main accoutumé à la, servitude, et le peu de ceux qui par leurs places ou leur capacité auroient pu parler, dévoués comme le premier président Pelletier, ou affamés de grâces.

Il restoit encore quelques personnes à craindre pour les jésuites, c’est-à-dire pour leurs entreprises, comme les cardinaux d’Estrées, Janson et Noailles, et le chancelier : ce dernier étoit, comme je l’ai dit ailleurs, éreinté, et le P. Tellier ne l’ignoroit pas ; Estrées étoit vieux et courtisan, Janson aussi, et de plus fort tombé de santé ; Noailles n’avoit rien de tout cela, il étoit de plus dans la liaison la plus grande avec Mme de Maintenon, puissant à la cour par le