Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/447

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lui, et mon assiduité à la cour ; que le roi, sans se refrogner, s’étoit cependant refroidi, et avoit répondu qu’il n’avoit rien contre moi, et qu’il ne savoit pas pourquoi je me persuadois le contraire ; que là-dessus, lui Maréchal redoubla et demanda mon audience comme la chose du monde que je désirois le plus, et qui lui feroit à lui le plaisir le plus sensible ; que le roi, pressé de la sorte, sans répondre sur l’audience, avoit reparti : « Mais que me veut-il dire ? Il n’y a rien. Il est bien vrai qu’il m’est revenu plusieurs bagatelles de lui, mais rien de marqué. Dites-lui de demeurer en repos, et que je n’ai rien contre lui. » Que là-dessus, lui Maréchal avoit insisté de nouveau pour l’audience, le priant de me donner cette satisfaction, sans laquelle je n’en pouvois avoir, mais à son loisir, et point un jour plutôt qu’un autre, pourvu que ce fût seul dans son cabinet ; à quoi le roi avoit enfin répondu avec assez d’indifférence : « Eh bien, je le veux bien ; quand il voudra. » Maréchal m’assura qu’il avoit bien senti de l’éloignement dans le roi, mais nulle colère, et me dit qu’il espéroit que j’aurois une audience particulière et tranquille ; que je lui expliquasse bien tous mes faits une bonne fois, et que je rie craignisse point d’être trop ; long, puisqu’il étoit question d’un éclaircissement sur des bagatelles grossies, dont le dépouillement demandoit du détail ; qu’il me conseilloit de lui parler avec franchise et liberté, et de, mêler une sorte d’amitié dans mes respects ; que du reste je me présentasse devant lui avec assiduité, pour lui donner lieu de choisir son temps de me parler.

La conversation finit par des remercîments proportionnés au service qu’il me rendoit, dont l’importance se devoit mesurer sur ce que nul autre de mes amis, ministres, seigneurs, personnages, gens en place, n’étoit à portée de me rendre, chose bien étonnante, et néanmoins très vraie, et qui marquoit bien la défiance du roi pour tout le monde, dont ses valets seuls étoient exceptés.

Maréchal me demanda un secret inviolable, excepté pour