Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/387

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le roi s’en sentit horriblement piqué. Il avoit en sa main la vengeance. Il reçut cette lettre le 24 mai ; la remit le lendemain 25 à d’Aguesseau, procureur général, lui fit remarquer qu’elle étoit toute de la main du cardinal de Bouillon, et lui ordonna de la porter au parlement, et d’y former sa demande de faire le procès au cardinal de Bouillon comme coupable de félonie. Le roi rendit en même temps un arrêt dans son conseil d’en haut, qui, en attendant les procédures du parlement, mit en la main du roi tout le temporel du cardinal, et dit que sa lettre est encore plus criminelle que son évasion. Ses neveux, exactement avertis, vinrent ce même jour 25 à Versailles. Ils n’osèrent d’abord se présenter devant le roi. Les ministres, qu’ils virent, leur dirent qu’ils le pouvoient faire. Ils ne furent point mal reçus. Le roi leur dit qu’il les plaignoit d’avoir un oncle si extravagant. Mme de Bouillon, qui étoit ou faisoit la malade à Paris, écrivit au roi des compliments pleins d’esprit et de tour, et on verra bientôt pourquoi cette lettre d’une femme qui avoit son mari si à portée du roi, que le roi n’aimoit point et qui n’alloit pas deux fois l’an lui faire sa cour ; mais tout étoit concerté, et M. de Bouillon se trouva à Évreux, qu’on envoya avertir et qui trouva tout cela fait en arrivant pour guider après ses démarches. Le 26 le roi écrivit au cardinal de La Trémoille, chargé de ses affaires à Rome, en lui envoyant une copie de [la lettre] du cardinal de Bouillon pour en rendre compte au pape ; il est nécessaire d’insérer ici cette lettre du roi au cardinal de La Trémoille.

« Mon cousin, il y a longtemps que j’aurois pardonné au cardinal de Bouillon ses désobéissances à mes ordres, s’il m’eût été libre d’agir comme particulier dans une affaire où la majesté royale étoit intéressée. Mais comme elle ne me permettoit pas de laisser sans châtiment le crime d’un sujet qui manque à son principal devoir envers son maître, et je puis ajouter encore envers son bienfaiteur, tout ce que j’ai