Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/93

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femme qu’ils se désoloient de solitude, l’un pour l’autre, et que cette étrange et ridicule tromperie étoit l’ouvrage de l’extravagante malignité de M. le Prince.

Revenus donc tous deux de leur erreur, et dans la plus grande union du monde, Mme du Maine ne songea plus qu’à se dédommager du temps perdu, et M. du Maine qu’à lui en fournir tous les moyens possibles. Aussitôt après, ce ne fut plus chez elle que divertissements galants, bals singuliers, fêtes et spectacles. Pour décorer sa maison, elle attira chez elle ce qu’elle put de meilleure compagnie. La duchesse de Lauzun en fut particulièrement recherchée, et M. du Maine en fit toutes les avances avec toutes sortes d’empressement. Ils avoient eu, M. de Lauzun et lui, plus d’une affaire ensemble. M. de Lauzun comptoit toujours que tant de grandes terres qu’il lui avoit cédées de Mademoiselle, pour sortir de Pignerol, l’engageroient au moins à se servir de son crédit auprès du roi pour l’y remettre, et chercher à le dédommager. D’ailleurs il étoit trop courtisan pour ne pas donner dans ces avances, comme dans une sorte de retour de fortune ; ainsi Mme de Lauzun fut bientôt de tout à Sceaux, que M. du Maine venoit d’acheter, et qui fut une occasion de redoubler les fêtes et les plaisirs dans un lieu qui y étoit si propre, et où Mme du Maine, qui vouloit vivre pour elle, se mit à passer tous les étés, quoique M. du Maine, dont l’abandon aveugle pour elle fut toujours au comble, n’y osât coucher que très-rarement, par la prodigieuse assiduité que le roi exigeoit de ses enfants naturels, encore plus que des autres. Le roi, allant et venant de Fontainebleau, y couchoit, et quelquefois deux nuits, et les dames les plus distinguées, mais en très-petit nombre, de la société de Mme du Maine étoient priées de lui venir aider à faire les honneurs. Cette liaison de Mme de Lauzun y attira Mme de Saint-Simon, qui reçut d’eux les plus grandes avances, et les empressements les plus marqués ; et ce fut en ces passages de Sceaux où Mme de Saint-Simon commença à