Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

beaucoup d’années ; elle étoit riche et fut très-attachée à son bien. Le roi lui donnoit dix mille livres de pension. Il envoya un gentilhomme ordinaire faire compliment aux ducs d’Humières et d’Aumont, et aux duchesses de Ventadour, La Ferté, Aumont et d’Humières. Monseigneur, Mgr [le duc] et Mme la duchesse de Bourgogne, M. [le duc] et Mme la duchesse de Berry, et Madame, allèrent voir la duchesse de Ventadour. J’ai parlé ailleurs de la suppression de la visite aux duchesses et princesses étrangères ; celle-ci fut donnée à la place de gouvernante des enfants de France, et de fille de la maréchale de La Mothe qui avoit été la leur. Madame y fut par amitié, et comme ayant été sa dame d’honneur.

Mme de Châteauneuf mourut quelques semaines après, à cinquante-cinq ans, à Versailles où elle n’avoit presque bougé de sa chambre, et y avoit passé sa vie fort seule. Elle étoit d’une prodigieuse grosseur, la meilleure femme du monde, et veuve depuis onze ans du secrétaire d’État, et mère de La Vrillière. Elle étoit fille de Fourcy, conseiller au grand conseil, et d’une sœur d’un premier lit d’Armenonville, depuis garde des sceaux, qui avoit plus de vingt ans plus que lui, et qui se remaria à Pelletier, depuis ministre d’État et contrôleur général des finances, qui fit la fortune d’Armenonville.

Cette année le dimanche de Pâques échut au 5 avril. Le mercredi suivant 8, Monseigneur, au sortir du conseil, alla dîner à Meudon en parvulo, et y mena Mme la duchesse de Bourgogne tête à tête. On a expliqué ailleurs ce que c’étoit que ces parvulo. Les courtisans avoient demandé pour Meudon, où le voyage devoit être de huit jours, jusqu’à celui de Marly annoncé pour le mercredi suivant Je m’en étois allé dès le lundi saint, pour me trouver à Marly le même jour que le roi. Les Meudons m’embarrassoient étrangement. Depuis cette rare crédulité de Monseigneur qui a été rapportée, et que Mme la duchesse de Bourgogne l’avoit dépersuadé, jusqu’à lui en avoir fait honte, je n’avois osé me commettre