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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/274

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l’amusement qu’il trouva chez Mme la Duchesse ne fit qu’accroître. Mme la princesse de Conti n’étoit donc de rien depuis bien des années, avec l’amertume de savoir Mlle de Lislebonne, sa protégée et son amie, en possession des matinées libres de Monseigneur, chez elle dans un sanctuaire scellé pour tout autre que Mme d’Espinoy, où se traitoient les choses de confiance ; Mlle Choin, son infidèle domestique, devenue la reine du cœur et de l’âme de Monseigneur, et Mme la Duchesse intimement liée à elles, en tiers de tout avec elles et Monseigneur qu’elle possédoit chez elle en cour publique. Il falloit fléchir avec toutes ces personnes, ne rien voir, leur plaire ; et malgré ses humeurs, sa hauteur, son aigreur, elle s’y étoit ployée, et fut assez bonne pour être si touchée, qu’elle pensa suffoquer deux ou trois nuits après la mort de Monseigneur, en sorte qu’elle se confessa au curé de Marly.

Elle logeoit en haut au château. Le roi l’alla voir. Le degré étoit incommode ; il le fit rompre pendant Fontainebleau, et en fit un grand et commode. Il y avoit plus de dix ans qu’il n’avoit eu occasion de monter à Marly, et il falloit de ces occasions uniques pour lui faire faire l’essai de ce nouveau degré.

Mme la princesse de Conti guérit à nos dépens. Nous avions le second pavillon du coté de Marly fixe, le bas pour nous, le haut pour M. et Mme de Lauzun. Il est aussi près du château que le premier et n’en a pas le bruit ; on nous y mit pour donner le second à Mme la princesse de Conti seule avec sa dame d’honneur. Quoique ennemie de l’air et de l’humidité, elle le préféra à son logement du château pour s’attirer plus de monde par la commodité de l’abord, et y tint depuis ses grands jours avec la vieillesse de la cour qu’elle y rassembla, et qui, faute de mieux, et par la commodité d’un réduit toujours ouvert, s’y adonna toute.

On jugera aisément du désespoir et de la consternation de cette puissante cabale, si bien organisée, que l’audace