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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/280

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protection à son rang de prince étranger. La consternation étoit tombée sur toutes ces usurpations étrangères qui espéroient tout de Monseigneur par ceux des leurs qui l’obsédoient, et qui se crurent perdues sans ressource par le nouveau Dauphin dont ils redoutoient les sentiments, et de ce qui pouvoit le plus sur lui. On a vu qu’ils auroient pu se trouver déçus dans leurs idées sur le père, mais elles étoient justes sur le fils, à qui la lecture avoit appris ce qu’ils savoient faire, et dont l’équité, le jugement solide et le discernement ne s’accommodoient pas d’un ordre de gens sortis, formés et soutenus par le désordre.

Le prince de Rohan ne put réussir dans ses vues auprès de Mme la Duchesse ; il enraya promptement. Il n’eut garde de se montrer fâché par une conduite trop marquée qui auroit mis en évidence ce qu’il vouloit si soigneusement cacher, mais n’ayant plus ni vues ni besoin d’elle, il se retira peu à peu sans cesser de la voir, et Mme de Remiremont et Mme d’Espinoy, qui n’avoient plus à compter avec elle, s’en retirèrent aussi beaucoup peu à peu. On a vu plus haut ce que devint Mlle Choin.

D’Antin mieux que jamais avec le roi, parvenu sitôt après la mort de Monseigneur au comble de ses désirs et de la fortune, n’eut pas besoin de grandes réflexions pour se consoler. On a vu, lors de la campagne de Lille, avec quelle souple adresse il avoit su s’initier avec Mme la Dauphine, qu’il n’avoit pas négligée depuis, et dont il espéroit un puissant contre-poids aux mœurs du nouveau Dauphin, et au plus qu’éloignement qui étoit entre lui et ceux qui pouvoient le plus sur ce prince. Il comptoit que la santé du roi lui donneroit le temps de rapprocher le Dauphin et de ramener peut-être à lui ceux qu’il craignoit davantage. La mort de Monseigneur l’affranchissoit d’une assiduité auprès de lui fort pénible qui lui ôtait un temps précieux auprès du roi, et il n’en pouvoit rien retrancher comme valet pris à condition de servir deux maîtres. Il se trouvoit délivré de la domination de Mme la Duchesse,