Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas cet usage, n’avoit jamais songé à le contester. Chamillart, tout mon ami qu’il étoit, fut plus secrétaire d’État que Louvois. Il me fit entendre que le roi ne s’accommoderoit pas de cet usage, dont toutefois il s’étoit toujours accommodé, mais dont, en style de secrétaire d’État, le pauvre Chamillart ne s’accommodoit pas lui-même ; mais il me dit que je n’avois qu’à nommer, et que, sur ma nomination, l’expédition se feroit en ses bureaux.

Alors Pontchartrain, qui suivoit sournaisement et avec grande attention les suites de mes contestations avec le maréchal de Montrevel, et aux questions duquel je répondois sans défiance, parce que je ne lui voyois point d’intérêt là dedans, me dit-que, puisqu’il falloit une expédition au nom du roi sur ma nomination, comme il pensoit de même que Chamillart, et par le même intérêt, c’étoit aux bureaux de la marine et non en ceux de la guerre qu’elle devoit être faite ; fondé sur ce que ces officiers nommés par moi serviroient sous La Motte d’Ayran, capitaine de vaisseau, qu’il avoit désigné garde-côte pour Blaye et tout ce pays-là, et qu’aux termes de l’édit, ces capitaines gardes-côtes étoient sous la charge de l’amiral et du département de la marine. Chamillart, au contraire, regardoit ces milices comme troupes de terre, ainsi qu’elles avoient toujours été, et il s’appuyoit sur leur comparaison avec les milices du Boulonois qui borde la mer, qui avoit un capitaine garde-côte de cette nouvelle création, lesquelles cependant étoient demeurées troupes de terre, et dont les officiers s’expédioient au bureau de la guerre sur la nomination de M. d’Aumont, gouverneur de Boulogne. Ces deux secrétaires d’État, de longue main aigris et hors de mesure ensemble, s’opiniâtrèrent dans leurs prétentions, et à en porter le jugement au roi.

Le plus court et le plus simple étoit de me laisser suivre l’ancien usage, qui n’avoit point été contredit, et d’éviter cette nouvelle querelle entre eux, en me laissant donner les